Le consentement en colo, pour quoi faire ?

Depuis Me Too, les questions d’éducation à la sexualité apparaît régulièrement dans le débat public. Comment éduquer les enfants à la notion de consentement, notamment en colo ?

Il est très fréquent qu’en début de séjour de vacances ou de stage de formation, un temps autour des règles de vie soit mis en place. C’est le moment d’échanger sur le fonctionnement du groupe, l’organisation de la vie collective et les règles non-négociables, celles pour lesquelles il n’y a pas le choix, il faut les mettre en œuvre, les appliquer.
Cela peut concerner la loi (par exemple, il est interdit de fumer à l’intérieur d’un bâtiment qui reçoit du public), les règles du lieu (il est obligatoire de retirer ses chaussures en allant dans telle salle) et cela peut aussi être des règles décidées par l’équipe du séjour.

Dans l’association, nous sommes plusieurs à régulièrement indiquer que le respect du consentement pendant la colo est une règle non-négociable pour nous.

Cela peut sembler surprenant pour beaucoup, ce concept est en effet très relié aux questions d’intimité et de sexualités. Que vient-il faire en séjour de vacances ?

Notre démarche est d’abord féministe : si dès le plus jeune âge, les enfants s’assurent du consentement des autres avant de faire quelque chose qui a un impact sur l’autre (le ou la toucher, rentrer dans un espace privé, le ou la prendre en photo, toucher à ses affaires…), il nous semble que plus tard, quand arrive les enjeux d’intimité, de corps, il sera tout aussi évident de s’assurer du consentement des personnes.

Mais pédagogiquement, le concept permet d’aller très loin ! D’autant que comme ce concept peut s’appliquer dans beaucoup de domaines du centre de vacances (relations entre enfants, vie quotidienne, activités…), cela permet d’anticiper et gérer beaucoup de situations sans multiplier les règles.

Retour d’expérience sur la notion de consentement en colo

Consentement en colo : retour d'expériencelors d'une colo dans la Drôme

Séjour de vacances campé dans la Drôme, avec 16 préadolescent·e·s de 11 à 15 ans, trois adultes dans l’équipe.

En amont du séjour, l’équipe est unanime, nous souhaitons faire vivre la notion de consentement au quotidien, et le poser en tant qu’unique règle non-négociable.

Le deuxième jour du séjour, un temps sur les règles de vie se met en place avec le groupe : tout le monde discute de ses besoins et comment on peut les respecter pendant le séjour. Des règles s’établissent en fonction de ces échanges. Nous présentons notre règle : respect du consentement pendant la colo. On en discute ensemble pour bien comprendre ce que veut dire ce mot. Nous expliquons notamment que cela implique de demander l’autorisation avant plutôt que de s’excuser après.

Ensuite, nous partons en balade – randonnée les pieds dans l’eau. Nolan particulièrement, vient poser plein de questions à Louise, l’anim :

– Mais du coup, ça veut dire qu’on peut pas me prendre en photo quand je dors ?

– Donc si on se tape avec les copains mais qu’en fait, on était d’accord, ce sera possible ?

L’équipe est enchantée, la notion a l’air de faire cogiter ! En tout cas, les jeunes semblent vouloir réellement la comprendre et se l’approprier.

Quand les jeunes s’approprient la règle…

Nous sommes au bord de la Drôme (la rivière). Il n’y a pas beaucoup de fond mais par contre, il y a du courant alors on a acheté de grandes bouées en forme de pneu pour jouer sur l’eau.

Lors d’une session de baignade, des jeunes interpellent Chloé, la surveillante de baignade : ils et elles aimeraient pouvoir se renverser. On s’organise, on trouve un « trou d’eau », un endroit où l’eau est plus profonde, on pose les nouvelles limites, Chloé reste juste à côté de ce trou. Et forcément, on repose le consentement : il faut avoir l’autorisation des personnes avant de les renverser.

L’équipe suppose que ce sera la personne qui veut renverser qui demandera au jeune sur la bouée si c’est possible.

Mais là, étonnamment, en une demi-heure, ça s’inverse : les jeunes vont demander aux autres de les renverser, avant d’aller au trou d’eau.

consentement en colo : enfant en mer avec une bouée

Et ça marche ! À tous ceux qui affirment haut et fort que s’assurer du consentement libre et clair en tous temps est un tue-l’amour, prenez-en de la graine. Nous avons passé des jours à observer des enfants qui prenaient le temps de demander à quelqu’un de le renverser, remonter sur plusieurs dizaines de mètres la rivière puis de redescendre en bouée. Et pourtant, ils et elles étaient toujours excité·e·s au moment d’arriver au « trou d’eau » !

Et qu’il faut aller plus loin !

– Sacha qui crie à plusieurs reprises « non ! » en arrivant au niveau du trou d’eau… Ce n’est plus possible de le renverser. « Oui, mais je ne le pensais pas vraiment ! » Peut-être mais quand même « non », c’est un mot trop important. On ne peut pas deviner que tu ne le penses pas vraiment et donc nous devons le prendre en compte !
L’équipe a cru que les jeunes se mettraient d’accord sur un safe word1, mais le groupe n’a pas trouvé ça nécessaire.

– Louna qui a accepté de renverser Mewen à plusieurs reprises et qui maintenant en a marre. Mewen est frustré, mais oui, le consentement va dans les deux sens et il se retire à tout moment. Ce n’est pas parce que Louna a accepté une fois qu’elle doit toujours accepter.

Bien sûr, le séjour ne s’est pas transformé en monde de bisounours. Il a fallu accompagner des conflits, des bagarres, des frustrations. Pour autant, à chaque fois, quand nous avons dû faire des rappels au consentement, les jeunes comprenaient, trouvaient cela évident ! Nous avons entendu régulièrement dans le séjour, avec humour ou avec sérieux « tu n’as pas mon consentement ! » Et ça, c’était franchement trop cool à entendre !

Quelques limites au concept de consentement

Évidemment, il y a des limites pour faire vivre le consentement en colo !

Ça ne marche pas toujours ! Parfois, c’est lié à l’équipe. On ne met pas les mêmes enjeux sur l’application des règles de vie, on ne comprend pas la notion de consentement de la même manière… Voire on a des personnes dans l’équipe qui sont mal à l’aise. Et dans ce cas, il vaut mieux trouver un autre compromis, une autre règle plutôt que de l’appliquer inégalement.

Il y a des groupes avec qui ça ne marche pas. Il y a plein de raisons possibles. Heureusement que le monde de l’animation n’est pas comme un livre de recettes magiques ! Il faut alors s’adapter, trouver des compromis avec le groupe, analyser ce qui ne marche pas…

Il faut savoir que parmi les personnes qui militent pour l’éducation au consentement, certaines estiment essentiel que la notion de consentement soit réservée aux domaines de l’intimité, du corps et des sexualités. L’utiliser dans d’autres domaines minimiserait l’importance de cette notion et donc les conséquences quand le consentement n’est pas respecté. Ces militant·e·s proposent que nous parlions d’accord : avoir l’accord de quelqu’un avant de le prendre en photo, par exemple.

Si vous souhaitez aller plus loin, nous avons également rédigé une ressource sur les conditions du consentement et les dérives possibles en ACM.

1 Mot de sécurité : mot décidé en avance et utilisable quand on souhaite interrompre une pratique. Ce concept a été popularité par le milieu SM.